"Comment aimer ?  Ce sont les Pauvres qui peuvent nous l’apprendre.

Il n’y a pas de partage possible si l’on exclut les Pauvres. Il ne faut pas les condamner mais les comprendre et beaucoup les aimer.

Ce sont eux qui purifient notre monde. A travers la souffrance, j’ai vu la beauté humaine qui ne demandait qu’un peu de respect réciproque. 

Il nous faudra de plus en plus être Homme pour les autres. L’avenir de la planète en dépend.

Dans le monde d’aujourd’hui, le problème n’est pas un problème  de fanatisme mais d’audace d’aimer."

Puissent ces mots du Père Pierre CEYRAC prononcés lors de la réception du prix de l’Académie Universelle des Cultures il y a 20 ans (novembre 2003) et ô combien actuels continuer de nous accompagner et de nous donner espoir et énergie au service des plus vulnérables.

 

Véronique Ponchet de Langlade

Présidente

 

Ca paie toujours d'être humain

Un jour, le Père Ceyrac est allé à Bombay. Il est sortie de la gare Victoria pour accéder la station de taxi. Il s'est rapproché à un taxi et s'est adressé au chauffeur : "S'il vous plaît, monsieur, êtes-vous disponible?". Le chauffeur de taxi l'a ouvert la porte du taxi, l'a laissé s'asseoir et l'a emmené à sa destination. Quand le Père lui donnait le tarif, le chauffeur a refusé de l'accepter, en disant : "Vous êtes le premier à être poli et à me dire 's'il vous plaît'; Vous êtes le premier à m'appeler 'Monsieur!'; Vous êtes le premier de ma vie, à me demander si je suis disponible".

 

A chaque fois que le Père s'est rappelé de cet épisode, il disait toujours "Ca paie toujours d'être humain"

Le Père Ceyrac nous parle de sa vie

Les grands hommes sont ceux qui ont des visions et des rêves. Ensuite, il faut l’amour pour transformer ces rêves et les faire vivre.

Je suis arrivé en Inde en 1937 et la culture «profonde et éternelle» de l’Inde a bouleversé ma vie. J’ai découvert que pour rendre ma vie «belle» il me fallait avoir une grande vision et beaucoup d’amour.

 

                                                                                 Le Père Ceyrac à Madras en 1988
J’ai vécu une expérience humaine et religieuse extraordinaire : situations fortes de tensions entre le bien et le mal, en Inde comme au Cambodge, remplies de très grandes beautés et de très profondes angoisses…

J’ai rencontré des milliers de personnes qui, même sans le savoir, ont aidé les autres à porter leur fardeau. Je me suis aussi retrouvé aux prises avec les pires souffrances et les pires horreurs, mais je sais qu’il faut toujours regarder inlassablement la beauté du monde et que personne ne résiste à l’amour.

Plus celui que nous croisons est pauvre, plus nous devons lui donner de la tendresse . Si nous voulons bâtir un monde meilleur, c’est à la question fondamentale des valeurs qu’il nous faut revenir : qu’est-il de plus important l’homme ou l’argent ?

Elie Wiesel me disait : «Tuer un homme c’est tuer un frère». Pour moi, laisser mourir un homme, c’est aussi laisser mourir un frère…

Je suis convaincu que le combat du III° millénaire sera un combat pour l’homme, sa liberté, sa dignité. Nous ne pouvons plus accepter les inégalités monstrueuses qui existent entre les quelques 20% qui ont presque tout et les 80% qui n’ont presque rien, inégalités qui divisent, mais aussi qui tuent ou, du moins, laissent mourir des millions de nos enfants .

C’est dans ce contexte d’un monde en pleine ébullition, et qui cherche des structures nouvelles et plus justes, que nous devons former nos étudiants et les préparer à être des chefs pour changer le monde.

Nous devons former des hommes et des femmes qui connaissent les problèmes des pays du sud, aimant et respectant ces peuples immenses aux cultures souvent prestigieuses, et qui travailleront avec eux pour bâtir ce monde de demain, un monde basé sur des valeurs nouvelles, où la priorité sera donnée à l’homme et non aux valeurs de l’argent.

Avec mes étudiants indiens, nous avions écrit sur le fronton du bâtiment qui était le leur, près de Loyola College à Madras où je vis : «Nous sommes nés dans un monde injuste. Nous ne le quitterons pas tel que nous l’avons reçu».

Chers Amis, des milliers de familles et d’enfants vivant dans des villages du sud de l’Inde ou dans les bidonvilles de Chennai ou Bombay, comptent sur vous pour continuer le chemin parcouru et devenir des hommes et des femmes debouts, la tête dans le vent !